Fabrique de la recherche en santé et droits sexuels et reproductifs : questionnements méthodologiques et éthiques

L’objectif est de réfléchir collectivement sur nos pratiques et notre démarche de recherche, autour de thèmes méthodologiques et éthiques pertinents pour la recherche en santé et droits sexuels et reproductifs (SDSR). Ces thèmes sont importants à la fois dans les démarches qualitative et quantitative. Ces questions sont principalement en rapport avec la difficulté de mesurer des événements stigmatisés ou qui s’écartent des standards établis et la collecte de données auprès de personnes considérées comme marginalisées et difficiles à atteindre.

La recherche en SDSR soulève des questionnements méthodologiques et éthiques spécifiques, qui peuvent s’inscrire dans des questions méthodologiques plus larges relatives aux sciences sociales. Ces questions sont principalement en rapport avec la difficulté de mesurer des événements stigmatisés ou qui s’écartent des standards établis. Un autre aspect de ces questionnements méthodologiques se trouve dans la collecte de données auprès de personnes considérées comme marginalisées et difficiles à atteindre, c’est-à-dire stigmatisées et/ou de petite taille. L’un des objectifs est de ramener les populations de la marge au centre de notre agenda de recherche, notamment en intégrant une approche intersectionnelle à notre recherche.
De plus, tandis que dans la recherche qualitative il est commun de mener des réflexions sur le rôle des chercheur·es dans la production de données, cette pratique est beaucoup plus rare en recherche quantitative. Par conséquent, un des objectifs de cet axe est de travailler l’autoréflexivité parmi les chercheur·es, et de nourrir la discussion sur le contexte de la recherche et ses interactions avec la position et l’identité de la chercheure ou du chercheur. Ainsi, la prise en compte des difficultés et des émotions éprouvées au cours des recherches relève des réflexions méthodologiques et éthiques développées au sein de l'unité.
De manière plus générale, nous pensons nécessaire de réfléchir avant chaque collecte de données sur l’utilité d’inclure dans la réflexion les personnes concernées par l’étude et/ou vivant dans la zone d’étude. La création conjointe des outils de recherche ainsi que les retours et commentaires des résident·es locaux et/ou personnes concernées permet d’enrichir les études sur les thèmes les plus pertinents pour les participant·es et de s’assurer que les questions sont bien compréhensibles; l’unité vise à assurer cette démarche au maximum dans ses recherches.

Il s’agit de renouveler et d’améliorer la manière de mesurer et analyser les questions en SDSR, qui sont traditionnellement des sujets difficiles à étudier. Cela implique d’emprunter des méthodes et outils de collecte de données et d’analyses à d’autres champs de recherche, ou d’en développer d’autres : « l’expérience de la liste » (questionnaire conçu pour atténuer le phénomène de désirabilité sociale dans les réponses aux questions sensibles), la méthode des « confident·es» (le fait de demander aux participant·e·s de rapporter les expériences de leurs ami·es ou parents plutôt que les leurs), la méthode d’échantillonnage déterminé selon les répondants (RDS) ou le développement des entretiens en visio ou par téléphone dans le contexte de la Covid-19, entre autres.
De nouvelles méthodes de collecte de données telles que l’utilisation de questionnaires en ligne ou de « big data » peuvent également compléter les approches plus traditionnelles des enquêtes démographiques en face-à-face et faciliter ainsi la prise de parole des participant·es qui ont fait l’expérience d´événements stigmatisés et/ou stigmatisants. Les données administratives viennent compléter les approches classiques car elles permettent de toucher l'ensemble de la population et d’avoir une information exhaustive, mais il est nécessaire d'apprendre à maîtriser l'intérêt et les limites.
Le décalage entre le fait scientifique et le vécu des participant∙es mérite également une attention particulière. Il est important de capturer non seulement les indicateurs objectifs de santé sexuelle et reproductive, mais aussi de prendre en compte les expériences subjectives des individus. C’est seulement en combinant ces deux approches que l’on peut prétendre à une réelle compréhension des vécus sexuels et reproductifs. Des méthodes de questionnaires innovantes, ainsi que les études à méthodologie mixte peuvent contribuer à atteindre cet objectif.
Pour collecter des données, souvent sensibles, auprès de populations et sous-populations peu étudiées par ailleurs, mais également parce que les expériences en SDSR évoluent avec l'âge et pour en apprécier la diversité et les déterminants en relation avec les autres trajectoires de vie, l'approche biographique est également mobilisée. Plusieurs recherches au sein de l’unité complètent l’analyse classique des trajectoires de manière quantitative par des entretiens qualitatifs menés à l’aide de grilles biographiques.