Inégalités de santé à Ouagadougou

La littérature suggère qu’un double fardeau de maladies (maladies transmissibles et non transmissibles) caractérise probablement le milieu urbain africain aujourd’hui. Quelques études empiriques, effectuées à partir des rares sources disponibles, confirment la présence d’un double fardeau. En revanche, aucune étude n’avait approché la question de la répartition des fardeaux sanitaires dans différentes couches sociales d’une ville africaine.

Les données de l’Observatoire de Population de Ouagadougou (OPO) collectées entre 2008 et 2013 dans cinq quartiers formels et informels de la capitale du Burkina Faso montrent que la mortalité infantile et la mortalité maternelle sont relativement basses comparées à d’autres observatoires du continent. Certains programmes de prévention en santé maternelle et infantile (les vaccinations, les soins autour de l’accouchement) touchent aujourd’hui de manière presque universelle toutes les couches de la population ; les enfants pauvres ne sont plus à risque particulier de malnutrition dans les quartiers de l’OPO, toutes choses égales par ailleurs. La mortalité liée aux maladies infectieuses reste toutefois inégalement distribuée– notamment à cause d’un recours aux soins très peu équitable, dans un contexte où une grande partie des frais restent à la charge des patients. Malgré ces inégalités marquées, les résultats montrent clairement que les maladies infectieuses continuent à toucher les Ouagalais de la classe moyenne dans une proportion non négligeable, notamment à cause du VIH/sida, des infections respiratoires et du paludisme (cette dernière cause frappant les enfants). Dans le cas des problèmes de santé maternelle, c’est moins la disponibilité des services que leur qualité qui sont en jeu.

Par ailleurs, les adultes plus avantagés économiquement seraient en bien meilleure santé s’ils n’avaient pas adopté massivement des comportements à risque de maladies non transmissibles. Il a été observé, toutes choses égales par ailleurs, une plus grande consommation de tabac chez les employés et les personnes de niveau d’instruction primaire, un surpoids et un manque d’exercice physique chez les plus riches, une dépression plus élevée chez les employés. Malgré la répartition des facteurs de risque – de mauvais augure pour les Ouagalais relativement favorisés –, ces derniers meurent plus tard de ces maladies, les plus pauvres ne pouvant sans doute pas se permettre les soins dans ce domaine, rares et extrêmement chers. Cependant, même parmi les plus riches, les décès de maladies non transmissibles surviennent souvent précocement, tant la gestion de ce fardeau reste difficile dans la capitale burkinabé. Enfin, les limitations fonctionnelles au grand âge s’observent indifféremment du gradient socio-économique, un phénomène sans doute lié à une sélection par la mortalité chez les personnes âgées dès lors qu’elles connaissent un problème de santé.

En somme, ces résultats indiquent qu’on ne peut pas parler de polarisation de la transition sanitaire à Ouagadougou, même si les inégalités de santé y restent très marquées : les riches comme les pauvres y souffrent d’un double fardeau sanitaire. Et même si les natifs de Ouagadougou les plus favorisés ont un risque plus bas de mortalité due aux maladies non transmissibles, on observe certains signes de contre-transition : les facteurs de risques sont plus répandus chez les plus nantis et les différences socio-économiques restent faibles en ce qui concerne les limitations et déficit chez les plus âgés.

Source : Sous la direction de Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura, Géraldine Duthé, 2019, Inégalités de santé à Ouagadougou. Résultats d’un observatoire de population urbaine au Burkina Faso, Ined, Collection : Grandes Enquêtes

Contacts : Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura, Géraldine Duthé

Mise en ligne : janvier 2019

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