Migrations climatiques : un avenir annoncé ?

Selon un discours fréquent, des migrations de plus en plus nombreuses résulteront dans l’avenir des changements environnementaux induits par le réchauffement climatique.

La montée du niveau des océans ainsi que des catastrophes naturelles plus fréquentes et aux conséquences plus lourdes devraient contraindre un nombre croissant de personnes à fuir leur lieu d’habitation : il y aurait donc un lien quasi-mécanique entre changement climatique et migrations.

Une vulnérabilité croissante

La croissance démographique et la plus forte concentration humaine conséquence de l’urbanisation dans des régions côtières font que les populations vulnérables, parce que fortement exposées en cas d’élévation du niveau de la mer, sont de plus en plus en plus nombreuses. Une large part des plus grandes agglomérations du monde sont situées en bord de mer, ce qui expose d’importantes populations au risque d’inondations comme on a pu le voir à New York lors du passage de l’ouragan Sandy. Si les catastrophes naturelles sont appelées à se multiplier, le nombre de personnes en situation de vulnérabilité s’accroît encore.
Mais, pour faire face à des événements extrêmes, les personnes qui les subissent peuvent se déplacer sans vraiment « migrer ». Lorsque survient une inondation les habitants se déplacent, trouvent refuge souvent dans le voisinage et reviennent chez elles dès qu’elles le jugent possible. Quand un cyclone est annoncé dans le golfe du Bengale, les populations se réfugient dans des abris construits à cet effet puis retournent dans leurs maisons aussitôt que le danger est écarté. L’annonce en 2013 du cyclone Phailin, dans l’état indien d’Odisha, s’accompagna du déplacement de plus de 500 000 personnes : il n’y eut pas à proprement parler de migrations, c’est-à-dire de mouvements de populations durables et d’une certaine distance. Par contre, un épisode prolongé de sécheresse tel qu’en a connu la Corne de l’Afrique peut avoir un effet tout différent sur la mobilité : le changement environnemental est moins brutal mais il peut induire une véritable migration qui a toutes les chances d’être définitive.

Une résistance à la migration ?

Les événements climatiques violents sont d’une extrême variété et les populations peuvent manifester une certaine résistance à la migration. Inondations ou ouragans présentent des risques physiques immédiats pour les populations, ce qui les conduit à fuir les zones affectées mais de manière très provisoire. Au Bangladesh des habitants du delta du Brahmapoutre ont certes pu fuir la menace de montée des eaux en se rendant à Dakha ou en migrant en Inde mais d’autres se contentent de se déplacer à proximité de leur lieu d’origine et s’installent sur des terres qui ont nouvellement émergé. Des années de sècheresse peuvent rendre les conditions de vie sur place de plus en plus difficiles, en particulier dans l’agriculture, mais sans provoquer de nombreux départs. Les fermiers peuvent tenter de s’adapter en abandonnant la culture pour l’élevage.
Il existe une forme de résistance à la migration : des habitants de zones exposées à des risques liés au changement climatique sont tentés de les réduire par un habitat plus approprié, en construisant par exemple des maisons en ciment sur des terrains remblayés pour faire face aux cyclones et aux inondations, par l’élévation de digues plus hautes pour se protéger d’éventuels tsunamis, par l’instauration de zones tampons où le trop plein d’eau peut se déverser sans causer de dégâts en cas de violentes tempêtes.
Les membres d’une famille confrontée à un événement extrême peuvent aussi ne pas être contraints de migrer parce qu’un des leurs a auparavant migré, pour des raisons non pas environnementales mais économiques et peut leur venir en aide. Une migration antérieure, de nature économique, peut empêcher (ou retarder) des migrations climatiques.
Un déplacement n’est pas une migration. Le nombre de déplacements temporaires peut exploser sans qu’il en aille de même pour celui des migrations. Cela ne réduit en rien le défi que lance à de nombreuses populations le changement climatique. Mais rien ne semble écrit.   

Contact : Jacques Véron
Mise en ligne : décembre 2016