Cinquante ans de contraception légale en France : diffusion, médicalisation, féminisation

Il y a cinquante ans, le 19 décembre 1967, en réponse à une forte mobilisation du Mouvement français pour le planning familial, le député Lucien Neuwirth faisait adopter par l’Assemblée nationale une loi autorisant la vente et l’usage des méthodes de contraception en France.

Une loi qui met fin à une interdiction

Au cours du XVIIIe siècle, les comportements procréatifs changent en France. Les couples cherchent à maîtriser leur descendance et pour ce faire ils ont massivement recours au retrait. La baisse de la natalité, observée par les contemporains inquiète puisque ce n’est pas le cas dans les pays limitrophes. La défaite de 1871 face à la Prusse, puis la Première Guerre mondiale donnent davantage de poids aux discours natalistes qui préconisent de « repeupler » la France. Cette peur de la « dépopulation française » connait son apogée le 31 juillet 1920, lorsque le Parlement adopte une loi interdisant la propagande et la vente des procédés anticonceptionnels.

Après la légalisation, la diffusion de la pilule et du DIU

La loi Neuwirth, en légalisant l’accès aux méthodes anticonceptionnelles, a rendu possible la diffusion de la pilule et du DIU au sein de la population et conduit à la médicalisation de la contraception. Ainsi, d’une contraception « traditionnelle » de couple, on est passé à une contraception médicale et féminine. D’un statut d’illégalité et d’illégitimité, le recours aux méthodes anticonceptionnelles est devenu légal et fortement normé. L’usage de la contraception est aujourd’hui marqué par une norme qui prescrit le recours au préservatif en début de vie sexuelle, puis à la pilule dès que les individus sont dans une relation dite stable, et enfin par l’usage du DIU une fois que le nombre d’enfants souhaités est atteint. En attribuant une méthode aux femmes selon leur âge et leur situation relationnelle, cette norme limite la possibilité de choisir le contraceptif qui leur convient. Elle renforce également la définition de la responsabilité contraceptive comme principalement, voire exclusivement féminine.

Crises sanitaire et sociale

En 2012, suite à la médiatisation du dépôt de plainte d’une jeune femme victime d’un accident vasculaire cérébral qu’elle imputait à sa contraception orale de nouvelle génération, la France connaît une « crise des pilules ». Entre 2010 et 2013, on assiste à une baisse de 18 % du recours à la pilule. Cette tendance semble perdurer aujourd’hui, puisqu’entre 2013 et 2016, le recours à la contraception orale a encore diminué de près de 9 %, bien que celle-ci reste le premier moyen de contraception utilisé.
Plus qu’une crise sanitaire, c’est l’image sociale de la pilule qui semble s’être modifiée au fil des générations : elle est aujourd’hui moins considérée comme un objet d’émancipation par les femmes les plus jeunes. Si, en moyenne, elle n’est pas pensée comme plus contraignante qu’avant, ce sont bien celles qui la jugeaient comme telle qui ont été les premières à ne plus l’utiliser. La « crise des pilules » semble avoir donné les moyens aux femmes qui n’en étaient pas satisfaites de changer de méthode. Cette controverse pourrait ainsi faire émerger un nouveau rapport entre usagère et soignant, donnant une place plus importante à l’information et aux préférences des femmes.
Enfin, la « crise des pilules » a, dans une certaine mesure, été l’occasion d’interroger la responsabilité masculine en matière de contraception. Outre le fait de limiter la possibilité de choisir sa méthode, la norme contraceptive française fait de la gestion mentale et matérielle de la fécondité du couple un domaine essentiellement féminin. Bien qu’ils aient bénéficié eux aussi des avantages d’une meilleure maitrise de la fécondité, les hommes semblent être les grands oubliés de la contraception, considérés comme non concernés et avec peu de méthodes à leur disposition. Même lorsqu’ils s’y intéressent, ils sont bien souvent perçus comme suspects, tant la contraception est devenue en France, en une cinquantaine d’années seulement, une affaire de femmes.

Méthodes de contraception utilisées par les femmes de 18 à 44 ans en France entre 1968 et 2013

Source : Le Guen Mireille, Roux Alexandra, Rouzaud-Cornabas Mylène, Fonquerne Leslie, Thomé Cécile, Ventola Cécile, le Laboratoire junior Contraception&Genre, 2017, « Cinquante ans de contraception légale en France : diffusion, médicalisation, féminisation », Population et Sociétés, 549, p. 1‑4.

Contact :  Le laboratoire junior Contraception&Genre (Cité du Genre, HALL, USPC)

En ligne : décembre 2017